Quartiers, la politique du pire
Le gouvernement veut-il mettre le feu aux quartiers ? Non à la politique du pire...Il faut revoir les "CUCS" !
Le gouvernement veut-il mettre le feu aux quartiers ?
Le gouvernement a décidé autoritairement* de réduire des 2/3 la liste des quartiers très prioritaires sur laquelle seront consacrés pas moins de 80% des crédits de développement social urbain.
Une véritable provocation.
J’ ai eu l’occasion de m’exprimer là dessus dans un certain nombre de médias régionaux.
Face à l’opposition de nombreux acteurs locaux et de la région Rhône Alpes, M. Borloo a annoncé qu’il allait revoir sa copie. La région l’ a pris au mot**...
Les enjeux sont en effet de taille, la politique de la ville est le principal outil d’insertion dans les quartiers :
Sabrina, 27 ans, jongle entre un travail d’agent d’entretien pour une entreprise de nettoyage et un emploi d’auxiliaire de vie pour une autre entreprise spécialisée dans le service aux personnes âgées. Avec une instruction du niveau de l’école primaire et des difficultés à maîtriser le français, trouver du travail n’a pas été facile. C’est la régie de quartier qui lui a permis de s’en sortir. Elle l’a embauchée, l’a formée, puis l’accompagnée vers ces nouveaux employeurs. Après quelques mois et de gros efforts, voilà Sabrina en CDI avec des perspectives d’avenir.
Loin de se contenter "d’occuper les jeunes", la politique de la ville est l’outil privilégié de l’insertion sociale, culturelle et économique". Même s’il faut pour cela parfois passer d’abord par le sport.
Permettre à des jeunes de se prendre en charge, à des chômeurs, des « inemployables »...d’accéder à une formation, un emploi et un logement, tels sont les objectifs de la politique de la ville, qui finance notamment la régie de quartier. Loin de l’image d’Epinal qui la réduit à « occuper les jeunes », la politique de la ville consiste à donner à chacun sa chance d’insertion sociale, culturelle et économique. Aujourd’hui, un tiers des jeunes issus des quartiers est « intégré », un deuxième tiers est en grandes difficultés et le tiers restant peut basculer d’un côté ou de l’autre. La politique de la ville est l’outil privilégié pour faire évoluer la donne dans le bon sens.
20 ans après la création de la politique de la Ville, les Contrats de Ville sont des politiques « cousues main et sur mesure » : élus des agglomérations, services de l’Etat et associations se mettent ensemble autour de la table pour définir les actions prioritaires du territoire et adapter le service public aux besoins locaux.
La politique de la ville est naturellement perfectible et demande, par exemple, à être simplifiée pour les porteurs de projets. Mais doit-elle être supprimée ? Personne ne le réclame, pas même le gouvernement qui presse les villes de souscrire à sa nouvelle politique de la ville en signant les CUCS (Contrats Urbains de Cohésion Sociale).
Pourtant, depuis quelques mois le gouvernement sape la politique de la ville.
Au-delà des spectaculaires démolitions de barres d’immeubles qui occupent le journal de 20 h 00, c’est la politique sociale de la ville qu’il délite, sans bruit et hors de la lumière des projecteurs. Le gouvernement ne veut plus entendre parler des actions dans des domaines aussi importants que la lutte contre les discriminations, la participation des habitants, la gestion urbaine et sociale de proximité, le développement culturel et sportif... que l’on soit à Marseille ou à Yvry, les priorités sont décidées à Paris par circulaire du Ministre : l’habitat, l’emploi, la réussite éducative, la santé et la prévention-citoyenneté. Le Maire est pris dans un tête à tête inégal avec une agence de l’ Etat : l’ Agence Nationale de conhésion sociale, et d’égalité des chances.Un centralisme inédit.
Le 15 Septembre dernier, une nouvelle décision est tombée comme un couperet :
Sur 244 quartiers répertoriés en Rhône-Alpes, seuls une vingtaine, incontournables, continueront à recevoir des crédits d’Etat substantiels (80%). Les autres recevront quelques miettes (20%) comme la Guillotière ou les Etats-Unis à Lyon et la quasi-totalité des quartiers de la banlieue grenobloise ou le Cret du roc à Saint Etienne Les élus locaux en demandaient trois fois plus. Habitués à des partenariats« cousu-main », ils n’en reviennent pas. Après les émeutes de l ’automne 2005, une telle réponse est une provocation.
Pressentant une réduction drastique des périmètres "prioritaires", en désaccord profond sur la méthode, la région Rhône Alpes avait déjà fait savoir qu’elle ne signerait pas les "CUCS" , et préparait , en accord avec les territoires, la suite à donner aux contrats de Ville. La loi a confié les missions de la politique de la ville à l’Etat et non aux Régions. Pourtant, la Région Rhône-Alpes considère qu’elle a une responsabilité particulière dans ce domaine. Entre 2000 et 2006 elle s’est engagée pour plus de 100 millions d’euros dans ces programmes. Elle va continuer sa responsabilité dans l’ensemble des quartiers en difficulté , d’autant plus après les évènements de l’Automne dernier, et travaille à l’élaboration des contrats de solidarité Rhône Alpes pour assurer une réelle continuité aux contrats de ville...
20 mesures ont déjà été votées il y a quelques mois pour améliorer les interventions sur les quartiers.
Parmi celle ci, la lutte contre l’échec scolaire, le soutien à l’innovation en matière d’emploi, la lutte contre les discriminations, la participation des habitants et le soutien aux initiatives citoyennes.
La région, première en France, a aussi décidé de pénaliser les communes qui n’appliqueraient pas la loi en matière de réalisation logement social (loi SRU) en réduisant ou supprimant les aides régionales "facultatives" autres que la construction - réhabilitation des lycées, les TER etc....*
Reste que ni la Région, ni les communes ne pourraient prendre en charge l’équivalent des 200 millions d’euros que l’Etat s’était engagé à financer.
Le gouvernement doit donc revoir la copie de sa nouvelle « politique de la ville », sans quoi à partir de janvier prochain, les soeurs de Sabrina risquent de ne plus avoir d’accompagnement scolaire...
Pour la région, l’ Etat doit traiter équitablement tout le territoire de Rhone Alpes, et proposer aux agglomérations concernées les mêmes ouvertures qu’il a effectué ces jours derniers à Lyon ou à Grenoble. Le Conseil régional travaille avec la Région à la mise en place d’une coordination unique. Mais l’engagement financier de l’ Etat n’est toujours pas précisé. Sans ces conditions réunies, la Région ne s’estime pas en mesure de signer les "CUCS." ...
Marie Odile NOVELLI,
Vice Présidente de la Région Rhône Alpes chargée de la Politique de la Ville, du logement et des solidarités
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*circulaire DIV du 15 sept dernier
** dans un voeu adopté lors de la session d’Octobre
N.B.
A noter que l’exercice de la citoyenneté est difficile lorsque l’on n’ a pas le droit de vote. Les Verts sont favorables à ce que ceux qui payent des impôts puissent voter. Autrement dit, favorables, pour commencer, au droit de vote des immigrés aux aux elections locales.