FISCALITES - ECOTAXES : halte à l’emballement en tous sens
sans réflexion !

Après le recul du gouvernement sur les plans d’épargne populaires, allions nous assister au 5 eme report de la taxe sur les Poids lourds ? - me demandais-je tôt ce matin. Et bien ça y est.
C’est annoncé en fin de matinée, le gouvernement suspend l’ éco-taxe.
Il est vrai que la suspension partielle de l’application à la Bretagne, proposée hier, "interrogeait" d’autant plus que l’inégalité de cette mesure risquait de la faire annuler par le Conseil Constitutionnel ! Comme antérieurement sous le gouvernement précedent [ voir] .
Aujourd’hui donc, le gouvernement se retrouve comme trop souvent à son point de départ, juste un peu plus fatigué. Et nous avec.
Il est essentiel de REFLECHIR POUR AGIR !

1°) * Pour ma part, je me réjouis de ce que le gouvernement ait fait marche arrière
sur la taxation à 15,5% des PEL, PEA, c’est à dire l’épargne populaire. Errare humanum est, perseverare diabolicum. Une taxe qui rapporte peu ( quelques centaines de millions d’euros, à mettre en rapport par exemple avec l’engagement de 600 Millions d’euros de l’état sur nano 2017 en région [voir] , qui concerne les ménages populaires modestes était une c.. erreur, et une injustice.

2°) En réalité il y a débat maintenant parce qu’il n’y a pas eu débat avant, et que la Réforme fiscale juste annoncée par F Hollande n’a pas lieu.
Je parle d’un vrai débat, qui prenne le temps de poser les problèmes (complexes, cf réactions plus loin sur l’éco-taxe).
On m’opposera l’urgence du désequilibre budgétaire et de la dette. Certes.
Mais si le gouvernement est pris par l’urgence du court terme, rien ne lui interdit de lancer en même temps le travail de fond sur la reforme Fiscale à moyen terme. Ce qu’il n’a pas fait.
"Réforme fiscale (appuyée par une réforme bancaire) et investissements réels dans la transition énergétique, autrement dit la mutation économique, tels sont les deux sujets majeurs aujourd’hui qu’une bonne partie de la France ne pardonnera pas à l’équipe au pouvoir et particulièrement au Président de ne pas avoir menés" écrivais-je il y a quelques semaines.
C’est encore plus vrai aujourd’hui.

3°) Eco- taxe, ne soyons pas dupes !

Il est facile de s’emballer, sur des éléments de connaissance trop partiels de la réalité :

- par exemple, le dossier ne présente pas les avantages dont béneficie déjà la Bretagne à l’origine de la croisade anti taxe ( Medef en tête).

Certes, JOSE BOVE, Député EUROPEEN EELV a estimé hier matin sur France Info que « la Bretagne a bénéficié depuis les années 70 de privilèges très importants pour développer un modèle agro-alimentaire hors sol d’exportation qui aujourd’hui a atteint ses limites » et qu’« on essaie de détourner la crise sur la question de l’écotaxe ».
Il a également désigné certaines organisations comme étant « à la manoeuvre » : des responsables politiques, le Medef, la FNSEA, « les responsables de ceux qui ont poussé ce modèle agro-alimentaire dans le mur », qui représentent une minorité.

Mais le problème est que ces information sont données après, que les journalistes ne sont pas en capacité de les vérifier ou de les relativiser lorsqu’il y a un évenementiel fort (manifestation, voire simple prise de position). Bref, on manque furieusement d’objectivation.
Tout cela crée de la décohésion sociale, car au lieu de réflechir ensemble on renvoie les groupes dos à dos. La France mérite mieux !

- L’Eco taxe , retour sur les faits :
adoptée sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avec la forte implication des écologistes, elle consistait, pour changer les comportements, à appliquer le principe pollueur payeur mais aussi à financer des moyens alternatifs (le rail par ex). Enjeu financier mais aussi, (cf infra) de façon plus implicite, de santé considérable qu’il ne faut pas rayer d’un trait de plume.

Le principe de l’éco taxe :
En octobre 2007, Nicolas Sarkozy lance le Grenelle de l’environnement, grande conférence autour des questions de climat, de développement durable, de biodiversité et de pollution, notamment routière. A l’issue des discussions, sont adoptés une série de principes (PDF).
Le numéro 45 est le suivant : "création d’une éco-redevance kilométrique pour les poids lourds sur le réseau routier non concédé". En clair, les camions seront taxés en fonction de la distance qu’ils parcourent et de la pollution qu’ils génèrent, sur le principe "pollueur-payeur", et dans le but de détourner de l’usage de la route au profit d’autres modes de transport moins polluants. Les ressources libérées doivent, selon l’engagement, être affectées "aux infrastructures ferroviaires". Il s’agit là du principe même de la fiscalité écologique : utiliser l’impôt pour changer les comportements.

Comparaison avec l’Allemagne (**[2]) :L’éco taxe était prévue pour être appliquée des 3,5 tonnes, alors qu’en Allemagne elle ne s’applique qu’à partir de 12 Tonnes. Les Allemands ont raison, dans la mesure où les 12 tonnes sont souvent des camions de transit, étrangers, alors que les petits tonnages sont la norme pour les petits trajets, les "circuits courts".
Mais Voilà, depuis la privatisation des autoroutes amorcée sous la gauche (balladur avait du reculer) et menée à bien ensuite par la droite, le manque à gagner pour l’entretien des routes et les Transports collectifs est patent, et taxer les camions à partir de 12 tonnes comme les Allemands ne suffit pas !

L’ Eco taxe à simplifier ? Peut - être. On ne gagne jamais rien à mettre en place des usines à gaz. Mais certainement pas à supprimer. Il faudrait sans doute la transformer (1) : concernant les enjeux sociaux, sur le principe mieux vaut affecter les ristournes envisagées à des actions concrets qui vont dans le bon sens ( ex préparer le rachat de vehicules performants) plutôt que de lâcher à perte sans ménager l’avenir. C’est dans cet état d’esprit que j’avais par exemple préconisé en 2009 le principe d’un chèque Vert. voir
et
art. enviscope.

[1]* On apprend ces jours, 1er et 2 Novembre, que l’écotaxe mise en place à toute allure juste avant le changement de gouvernement, serait louche. Je renvoie notamment à l’article de Mediapart "le contrat insensé de l’écotaxe" voir.

** [2] Voir l’article de Marianne semaine du 9 Novembre

- 4°) Enfin, il faut souligner la non prise en compte des conséquences positives attendues de l’éco-taxe qui justifient au départ sa mise en place.
Si l’on ne prend ni le temps de la réflexion ni le temps de l’information (y compris sur les objectifs des décisions), comment peut - on gouverner dans une démocratie, qui suppose aussi d’éduquer à la citoyenneté !

- Les enjeux de l’éco- taxe : outre l’équilibre des finances, la santé publique :

La pollution atmosphérique est un cancérogène avéré pour l’homme. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en a fait l’annonce jeudi 17 octobre. Jusqu’à présent, seules les particules fines et le diesel avaient été classés dans cette catégorie des cancérogènes certains.
Les gaz d’échappement des moteurs diesel, les activités industrielles et agricoles, la production d’énergie (chauffage) constituent les principales sources de la pollution extérieure. Si l’effet sur l’homme est important, c’est que chaque jour, un individu inhale environ 10 000 litres d’air.

Le groupe de travail du CIRC ( Centre recherche Cancer) estime que l’exposition à un air pollué favorise les cancers du poumon, mais aussi de la vessie. Selon ces experts, en 2010, 223 000 personnes sont mortes d’un cancer du poumon imputable à l’inhalation de substances toxiques contenues dans l’air ambiant. C’est évidemment moins que le tabac, qui est responsable de 71 % des 1,18 million de morts annuels par cancer du poumon dans le monde. Mais la pollution de l’air constitue aussi un facteur de risque pour d’autres maladies respiratoires (asthme, broncho-pneumopathies chroniques obstructives) et pour les maladies cardiovasculaires. L’exposition aux particules les plus fines (PM 2,5) serait à l’origine de 3,2 millions de décès prématurés (avant 65 ans) de par le monde, principalement du fait des maladies cardiovasculaires.
En savoir plus voir.

L’ECO TAXE existe dans d’autres pays : regards sur les conséquences ( notamment en Allemagne ) voir.

- Marie Odile NOVELLI

NB Témoin de la complexité des choix, cette position d’élus EELV Bretons, qui ont également débattu avant de prendre position : voir.