Citoyennete dans les quartiers

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Interview de Jean-Jack Queyranne , Président du Conseil Regional Rhone Alpes,et Marie Odile Novelli, Vice Présidente,
publie par Economie § Humanisme Mars/Avril 06

Paru dans Economie & Humanisme Mars - Avril 2006

POUR UNE CITOYENNETE REGIONALE DANS LES QUARTIERS

Interview de Jean-Jack Queyranne * * Président de la Region Rhône-Alpes, Député du Rhône, Ancien Ministre,
et Marie-Odile Novelli **** Vice Présidente chargee de la Politique de la ville, du logement, des
solidarités

Economie & Humanisme  : Du fait de la diversité de ses compétences, le
Conseil Régional Rhone-Alpes vous parait-il bien placé pour lutter contre
la ségrégation sociale et spatiale ?

Jean-Jack Queyranne : Rhone-Alpes possède une expérience solide de la
Politique de la Ville depuis plus de vingt-cinq ans. Des réseaux structurés
se sont constitués, des actions concrètes ont éte menées dans les
quartiers. Une culture commune s’est créee. En novembre dernier, nous
n’avons pas connu les mêmes tensions que l’Ile-de-France ou d’autres
grandes régions. Effet des circonstances ou du travail accompli ? Je penche
plutôt vers la seconde hypothèse. Non pour nous rassurer, mais parce que la
Politique de la Ville a besoin de continuite, de persévérance,
d’enracinement.

La Region Rhone-Alpes, en tant qu’institution, se doit d’apporter sa
contribution à la lutte contre les exclusions. Si la cohesion sociale est
d’abord une responsabilite relevant de l’Etat, toutes les collectivites
territoriales sont concernées a travers leurs politiques publiques. Notre
Region se positionne d’abord comme un catalyseur d’énergies en lien avec
ses partenaires institutionnels, socioprofessionnels et associatifs. Elle
veut mobiliser davantage autour de quatre axes complémentaires : poursuivre
l’effort de formation pour tous, favoriser un meilleur acces à l’emploi,
lutter contre les discriminations, cultiver le " vivre ensemble ".

Marie-Odile Novelli  : Il faut agir à plusieurs niveaux. Il appartient à
l’Etat de lutter contre la pauvreté inacceptable qui s’installe en France,
notamment dans les quartiers d’habitat social, en assurant un revenu
minimum decent à chacun. Nous en sommes tres loin. On ne peut pas vivre
seul avec le RMI ou à plusieurs avec un SMIC. On affirme parfois que le RMI
coùte cher ; c’est faux. Le RMI a couté 5 milliards d’euros en 2003, les
dépenses sociales 440 milliards d’euros. La Region a evidemment un rôle à
jouer en ce qui concerne la mobilisation pour la formation et l’emploi dans
les quartiers en difficulte. Depuis 2004, elle favorise l’accès des
chômeurs aux micro-credits pour la création d’entreprises, développe des
contrats de retour à l’emploi durable (CARED) ([i]) incite au
développement de l’insertion dans les projets de renovation urbaine, et
finance l’ingenierie des ZFU ([ii])...

Mais il faut agir encore davantage. A partir de mars 2006, le Conseil
régional va accroitre ses soutiens aux chantiers d’insertion, favoriser le
service civil, la validation des acquis professionnels et l’accès des
jeunes des quartiers à l’emploi public ([iii]). Il va lancer 200 CARED pour
des jeunes residents en ZUS, mobiliser la clause d’insertion sociale dans
ses marches, et lancer un appel à projet pour les actions innovantes
d’accompagnement et de mise a l’emploi. De plus, pour lutter contre la
ségrégation à l’emploi, il va inciter employeurs, associations, jeunes... à
signer une charte.

Pour lutter contre la ségrégation spatiale, le Conseil regional aide les
communes qui n’ont pas assez de logement social à en réaliser. A
l’inverse, il va déliberer pour supprimer ses aides facultatives aux
communes qui ne veulent pas rattraper leur retard. Enfin, la Région veut
aussi lutter contre le repli sur soi des quartiers et favoriser les projets
cooperatifs et humanitaires qui impliquent des jeunes, en lien avec
différents pays.

E & H : Les criteres de " bonne gouvernance " et de " partenariat avec les
acteurs des quartiers " mis en avant par le Conseil regional deviennent-
ils effectifs ?

M.-O. N. : Il faut du temps pour la concertation. Le manque de temps
rajoute une difficulte supplementaire à une question souvent délicate pour
les maires. Comme cela n’est pas très satisfaisant, la Region a lancé un
bilan sur ces aspects de concertation. La structuration d’une politique
plus participative, impliquant la formation des habitants, est en cours.
Mais d’ores et dejà, tirant les consequences du caractere insuffisant,
souvent, de la concertation, nous avons decidé de lancer avant la fin de l’année 2006 un fonds de soutien aux initiatives et à la participation des
habitants.

J.-J. Q. : Nous soutiendrons les initiatives et les projets participatifs
proposés par des habitants, pour renforcer le lien social et la citoyenneté
dans les quartiers. Dans le même esprit, nous voulons assurer la promotion
du Service civil pour les jeunes des quartiers, gràce aux départs dans le
cadre des dispositifs europeens " Eurodyssee " et par le Service Volontaire
Européen, en particulier dans le domaine humanitaire et dans
l’environnement. La bonne gouvernance s’applique aux projets participatifs,
mais aussi à toutes les collectivites. Nous avons decidé de conditionner
nos interventions, dans le cadre de nos politiques territoriales en faveur
des communes, au respect des obligations figurant dans la loi Solidarites
et Renouvellements Urbains (SRU) et prevoyant un minimum de 20 % de
logements sociaux ou la mise en oeuvre d’un plan de rattrapage. Si la loi ne
peut, a elle seule, remédier au " mal logement ", elle invite à s’inscrire
dans un véritable choix de societé. La Region doit inciter chacun à faire
l’effort nécessaire.

E & H : d’une maniere générale, dans sa vision de démocratie
participative, quels moyens prend la Region pour écouter les habitants des
quartiers et cites en difficulte ? Le fait de ne pas être une collectivité
"de proximite" rend-il difficile cette écoute ?

J.-J. Q. : La Region veut être a l’écoute de tous les citoyens,
particulierement ceux des quartiers. C’est pourquoi l’Executif élu en 2004
a crée une nouvelle délegation aux Solidarites, à la Politique de la Ville
et au Logement, dont j’ai confieé la responsabilite à la Vice-Presidente
Marie-Odile Novelli. Pour sa part, la Conseillere regionale deleguée à la
Jeunesse, Katia Philippe, accomplit un travail remarquable afin d’élaborer,
avec tous les jeunes de Rhone-Alpes, un Plan pour la jeunesse mettant en
synergie l’ensemble de nos competences. En parallèle, je le rappelle, les
professionnels des services de la Région travaillent au quotidien avec les
habitants, les acteurs socioprofessionnels et associatifs des quartiers. Je
pense notamment a la Direction des Politiques Territoriales qui est à la
charniere de l’action régionale dans les quartiers.

M.-O. N. : c’est a priori plus difficile de pratiquer la démocratie
participative lorsque l’on est une Region de huit départements que lorsque
l’on est maire d’une commune de 3 000 habitants. De plus, la Région passe
souvent des contrats avec les communes qui sont maitre d’ouvrage.
Néanmoins, en 2005, nous avons amorcé de facon intéressante une forme de
participation des rhonalpins. Mais ce qui compte, c’est la suite qui sera
donnee. Il faut que chaque délegation s’empare de la question. Par exemple,
je vais mettre en place une commission extra-regionale sur le handicap, a
laquelle j’associerai les participants qui se sont montres interessés. En
ce qui concerne la politique de la ville, il y a eu certaines réponses
d’habitants de ces quartiers. Pour autant, on ne peut pas dire qu’ils
soient vraiment representés. Peut on, d’ailleurs, " representer " des
habitants ? Je prefère parler de citoyens impliqués. Je souhaite que leur
nombre s’accroisse ; c’est pourquoi nous allons créer un fonds de soutien
aux initiatives et à la participation des habitants des quartiers, et des
actions de formation...

Propos recueillis par Economie & Humanisme

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* President de la Region Rhone-Alpes, Depute du Rhne, Ancien Ministre.
** Vice Presidente chargee de la Politique de la ville, du logement, des
solidarites.

([i]) Qui couvrent la prequalification et la qualification jusqu’au CDI.
([ii]) Zones franches urbaines.
([iii]) Par le biais de la formation et par voie de recrutement direct a la
Region.