Solidarité et exclusion/Logement
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2. Notre système de lutte contre l’exclusion ne marche plus : repensons-le
Aujourd’hui en France l’exclusion ne touche pas que les chômeurs, mais concerne de plus en plus de travailleurs à bas revenus
Si l’on retient la norme européenne, il y a en France 7, 2 millions de travailleurs pauvres, soit 12,4% de la population, selon les dernières statistiques connues, qui datent de 2001. (l’INSEE, pour sa part, retient un taux de pauvreté en France de 11,5%). - . (1)
En 2201, la moitié des actifs pauvres a occupé un emploi stable pendant l’année. De plus en plus de salariés sont des pauvres, et nos politiques publiques n’en tiennent pas compte. C’est une évolution assez terrible et indigne de notre pays.
"C’est a cause du libéralisme !" diront certains. Voire. Peut-être pas si simple...
Les politiques des pays européens différent. L’enjeu pour nous aujourd’hui est d’effectuer une mise a plat de notre système social et de construire sérieusement, avec objectivité et volontarisme, une politique de protection sociale et de lutte contre la pauvreté dignes de ce nom.
Les gouvernements de droite en France (et parfois de gauche) ont longtemps laissé croire que notre système de protection était le meilleur du monde, endormant ainsi les exigences sociales du pays. C’est un leurre.
La question posée aujourd’hui, en France, n’est pas de préserver nos acquis sociaux mais d’améliorer notre système, plus injuste que dans de nombreux pays européens.
Les inégalités en France sont plus importantes que dans de nombreux pays européens :
En Hollande, le revenu minimum est a peu près égal au SMIC français. Les Hollandais considèrent qu’en dessous, avec un revenu de type RMI français, il n’est pas possible de mener une existence normale.
Le Danemark, la Suède, la Finlande, les Pays Bas, l’ Autriche, le Luxembourg et la Belgique sont moins inégalitaires que la France : alors qu’en Suède et en Norvège, les 20% les plus riches ont des revenus 3,2 fois plus élevés que les 20% les plus pauvres, en France, les revenus des 20% les plus riches sont 5,5 fois plus élevés (6,2 pour la Grèce). Ceci nous place juste devant l’Irlande. (2)
A quoi sert l’argent de l’Etat en France ?
En 2001, les dépenses publiques de l’Etat (hors assurances sociales) s’élevaient à 261 Milliards d’euros dont 59,2 milliards pour l’ éducation nationale et la jeunesse. premier poste. (4)
Les dépenses de protection sociale représentaient 417 milliards d’euros, soit plus que les dépenses de l’Etat (au sens strict).
Le premier poste est celui des retraites : 180 milliards (en 2001), le 2eme poste est la santé
(145 milliards d’euros), l’assurance chômage représente 16 milliards d’euros auxquels s’ajoutent les dépenses de l’ Etat et celles de la formation des chômeurs soit environ 28 milliards d’euros.
Le RMI ne représentait que 5,7 milliards d’euros.
Repenser notre système de lutte contre l’exclusion
Le RMI, qui représente une dépense très faible de l’ Etat au regard des autres interventions sociales, est un outil qui ne correspond pas aux enjeux de l’exclusion aujourd’hui. D’abord parce qu’il ne permet pas de vivre. Ensuite parce que la pauvreté en France ne concerne pas que les chômeurs.
Dans une société développée, chacun devrait pouvoir vivre avec un revenu décent, que ce revenu soit issu du travail ou d’une allocation de remplacement ou de complément. C’est en ce sens qu’il nous faut travailler, remettant en cause le dogme selon lequel le revenu d’existence ne peut être issu que du salaire. Ce qui ne signifie pas qu’il faut accepter de rémunérer des inactifs durablement devenus inutiles : la dignité de l’être humain implique une autonomie, une activité porteuse de sens, un rôle socialement utile. Ce qui n’empêche pas de mener de front des politiques sociales, des politiques du logement et des politiques économiques (qui au demeurant ne fassent pas l’impasse sur les questions écologiques et de bien être social)....
Faute de quoi, nous laisserons s’aggraver de plus en plus les inégalités sociales et l’exclusion.
Le rapport de la commission Hirsch (5) donne des pistes intéressantes, notamment en ce qui concerne les travailleurs pauvres. Mais le seuil de revenu minimum préconisé demeure trop faible et peu ambitieux.
Repenser notre système social
L’occasion pourrait être saisie de revoir notre système de protection sociale, de le simplifier et d’y mettre plus d’égalité. C’est un très vaste chantier. Sortir d’un système "corporatiste conservateur", dont il faudrait examiner sans tabous les composantes, pour aller vers un système plus protecteur, moins inégalitaire, plus juste, qui ne laisserait plus personne dans l’insécurité sociale, est néanmoins un formidable challenge, qu’il nous faut relever.
Marie Odile NOVELLI
Bibliographie :
1. - Alternatives économiques Juin 2005-
(Cette norme européenne est plus exigeante que le seuil de pauvreté (égal a la moitié du revenu médian soit 650 euros pour une personne seule), puisque selon cette norme le seuil est de 60% des ressources médianes soit 722 euros par mois.)
2. - Alternatives économiques Hors série 4eme trimestre 03 dossier Etat-protection sociale, inégalités en europe
3. - Alternatives économiques 1er trimestre 03, dossier la protection sociale
- Alternatives économiques 1Er trimestre 03, dossier la protection sociale
4. - Alternatives économiques 3eme trimestre 04, dossier l’ Etat en France.
5. - Alternatives économie Juin 05
- Le Monde du 18 février 2004 et du 21 Avril 04
- La documentation française notices 054000264
Les pistes contre la pauvreté de la commission Hirsch
Dirigée par le président d’Emmaus-France, Martin Hirsch, la commission est partie d’un constat : en France, selon le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, un million d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté (Le Monde du 18 février 2004 et du 21 Avril 04).
Il s’agit de prendre des engagements réalistes et précis, chiffrés. Comme l’a fait, en Grande-Bretagne, Tony Blair. La commission propose de mobiliser l’ Etat mais aussi les associations pour que la France ne compte plus un enfant pauvre d’ici quinze ans, en 2020. Un tiers de l’objectif devra être atteint au bout de cinq ans, les deux tiers à l’horizon de dix ans.
Réunissant des représentants d’associations de lutte contre les exclusions, des dirigeants de la Caisse nationale des allocations familiales, des représentants du mouvement familial et des personnalités qualifiées comme Claire Brisset (défenseur des enfants), Eric Maurin (économiste a l’Ecole des hautes études en sciences sociales ), Serge Paugam, (chercheur au CNRS ), Gaby Bonnand, secrétaire national de la CFDT et Maryse Dumas, secrétaire confédérale, la commission propose un revenu de solidarité active (RSA) de sorte que tous les les travailleurs, même à temps partiel, perçoivent au moins le seuil de pauvreté
650 euros par mois pour une personne seule aujourd’hui) ;
Coût de la mesure : 4 a 8 milliards d’euros.
Le seuil de pauvreté est égal à la moitié du salaire médian - le salaire qui sépare la moitié la plus pauvre de la moitié la plus riche. Fixé à 602 euros par mois en 2001, ce seuil évolue avec le niveau général des salaires.
Voici les pistes de la commission pour lutter contre la pauvreté.
Priorité sur les crèches et les assistantes maternelles pour les familles pauvres et les familles monoparentales en retour à l’emploi ou à la formation. Un service public de l’accueil des jeunes enfants serait créé.
Un accompagnement social personnalisé pour les familles.
Un "New Deal" locatif accordant des avantages fiscaux aux propriétaires qui modèrent les loyers, et un alourdissement des pénalités financières pour les communes qui ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux.
Réhabiliter les logements indignes. Environ 500 000 logements seraient insalubres et près de 42 000 enfants atteints de saturnisme. La commission propose d’organiser une campagne nationale de dépistage, de rénover dans l’urgence les logements a risques et de supprimer les aides au logement destinées aux propriétaires si des travaux ne sont pas engagés.
Définir des zones de santé prioritaires, ou les efforts de prévention seront accentués.
Extension de la modulation du prix des cantines en fonction des revenus et baisse du prix des laits deuxième âge.
Développer les garanties publiques pour le rachat de crédit et imposer une taxe aux banques lorsque le surendettement augmente.
Des "internats de réussite éducative", une réduction des redoublements en primaire, et des investissements supplémentaires dans les ZEP.
Un revenu de solidarité active "étudiant" et une augmentation du montant des bourses pour les jeunes adultes qui n’ont pas accès aux minima sociaux.