La réforme institutionnellle en question

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Ca y est, comme je le prévoyais hier, elle est votée, la réforme institutionnelle ! Je n’ ai donc pas besoin de retravailler le texte que j’avais écrit hier avant le resultat...

LA REFORME CONSTITUTIONNELLE EN QUESTION

(
lire aussi sur ce site ; et lire
et, bien sûr, le site de maitre éolas)

Pourquoi ce manque d’enthousiasme du côté de l’opposition parlementaire ?

Parce que la réforme devrait finalement "passer", la gauche n’ayant pas de minorité de blocage ?
Il me semble que c’est surtout, parce qu’il y a loin de la théorie de la réforme à sa réalité. Par exemple, le droit d’initiative citoyenne est un " droit canada dry" qui a l’apparence du réferendum d’initiative populaire pas de réalité concrète.
Mais il y a pire : Institutionnellement, politiquement, une vraie réforme est en fait impossible...

Il y a loin de la théorie de la réforme à sa réalité.


Beaucoup trop de chèques en blanc dans ce projet, malgré des objectifs affichés interessants ; et finalement, un renforcement de la 5ème république...
C’est, en tous cas, l’avis du constitutionnaliste Bastien François, cofondateur de la Convention pour la 6e République *(C6R), professeur des universités au département de science politique de la Sorbonne, Université Paris I.

Si la réflexion pour une 6ème république est déjà ancienne chez les Verts et les promoteurs de la C6R, cette réflexion a été menée jusqu’ici essentiellement par des minorités politiques (y compris au sein du PS) et pas par la majorité de l’ UMP et du PS .
Or, il faut pour modifier la constitution une majorité parlementaire exceptionnelle et l’aval du sénat !
Et la France n’est pas un pays qui laisse de la place aux minorités politiques (il n’y a qu’à voir la composition de l’assemblée nationale, marquée par la bipolarisation et la présence d’élus qui cumulent les mandats et n’ont pas le temps d’instruire tous les dossiers ).

Interviewé ce matin assez longuement sur France culture , Bastien François résumait ainsi les enjeux du projet de loi examiné aujourd’hui :
des objectifs affichés interessants auxquels chaque français pourrait souscrire ( et les sondages le montrent) qui sont de trois ordre :
un président plus responsable,
plus de droits pour le parlement,
plus de droits pour le citoyen.
Superbe !
Malheureusement, une réalité inverse ; à quelques exceptions près**.

Il cite quelques exemples :

La réforme engage une modification du droit d’amendement des députés.
Mais dans quel sens ? Rien n’est dit, et l’on comprend l’inquiétude entourant cette incertitude, dans la mesure où le droit d’amendement est essentiel pour le parlement.
Autre chéque en blanc : il concerne la nomination de hauts fonctionnaires par le président (art. 13) : lesquels ? Quel secteur ? Quel domaine ? ça n’est pas anodin.
Autre exemple : le fameux droit à référendum d’initiative citoyenne : en réalité, c’est un droit d’initiative des députés, il faut d’abord qu’il soit proposé par suffisamment de députés (-cf article - donc cela exclut le Modem, les Verts etc) et ensuite qu’il y ait un nombre suffisant de citoyens qui le supportent.
Et de surcroit, il ne faut pas qu’un projet de loi soit en chantier sur le même sujet !

En résumé ce projet "canada dry" a l’apparence d’un droit d’initiative citoyenne mais pas la réalité.
A cela s’ajoute le fait que le droit de vote des étrangers (hors Europe) reste l’arlésienne, une réforme nécessaire en terme ce citoyenneté responsable mais à laquelle aucun des grands partis n’ a osé encore s’affronter...

Ainsi, quelle que soit l’issue du vote, les solutions proposées ne seront pas à la hauteur des enjeux d’une république "moderne", c’est à dire plus démocratique.

Mais il y a pire : Institutionnellement, politiquement, c’est en fait une réforme impossible...

La difficulté majeure est que seule la droite, institutionnellement, pourrait aujourd’hui modifier les institutions, parce qu’il faut (constitutionnellement) l’accord du sénat .
Or, celui ci demeure de droite, et conservateur, compte tenu de la surprésentation rurale ***
. Bref, bonne chance les citoyens militants !
Les questions constitutionnelles et institutionnelles n’étant pas la priorité des français, qui dans l’ensemble les méconnaissent parfaitement, il y a peu de chance de voir évoluer le fonctionnement de la démocratie en France. (Même les journalistes ne se sont pas vraiment emparés de la problématique. Comment pourraient ils alors relayer les éventuelles contributions politiques et citoyennes sur ces questions ? Si, si : France culture, ce matin.... Vacanciers, sortez de vos plages, de vos vagues, travailleurs, faites donc une pause, podcastez France cult !)

Je nous souhaite bonne chance,

Marie Odile
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* Bastien François, cofondateur de la Convention pour la 6e République (C6R, professeur des universités au département de science politique de la Sorbonne, Université Paris I, il est directeur adjoint du Centre de recherches politiques de la Sorbonne (CNRS), directeur du Master 2 "Administration du politique", et président de la commission de spécialistes en science politique de l’Université Paris I . Il est également directeur de collections aux Editions Economica, membre de l’Advisory Board de la Swiss Political Science Review et responsable du Comité de lecture de Politix, revue des sciences sociales du politique dont il a été l’un des fondateurs.

**(examen des projets de loi une foi qu’ils sont vus en commission, ou droit de saisine du Conseil constitutionnel par le citoyen)
.

***Les électeurs des sénateurs sont notament les maires, essentiellement ruraux... (une commune est une commune qu’elle ait 500 ou 500 000 habitants).