Interv. au Colloque "souffrance au travail"16/11/10

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Voici mon introduction au colloque "salariés en souffrance" à l’Espacecaf à Lyon le Mardi 16 Novembre 2010. Colloque du centre psychanalytique de consultation et de traitement, qui intervient bénevolement pour des publics en difficulté et que je soutenais dans le cadre de la politique de la ville.

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Mardi 16 Nov. 2010, Espacecaf à Lyon : salariés en souffrance.


Intervention de Marie Odile NOVELLI , Vice présidente du Conseil régional Rhône Alpes déléguée au logement, à la Politique de la Ville et aux solidarités

( Après l’Introduction de Pierre Forestier, président du CPT de Lyon* puis de J P Berthet ( DIRECCT) .

*Au CPCT de Lyon, (voir ) "des psychanalystes reçoivent gratuitement toute personne de plus de 18 ans qui désire parler de ce qui ne va pas pour elle et fait souffrance". Action d’engagement social originale, et soutenue par ma délégation dans le cadre de la politique de la ville
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Voici mon intervention :

Merci de m’inviter à cette deuxième journée d’échange et de formation du centre psychanalytique de consultation et de traitement. voir

La question de la souffrance au travail est une question d’actualité.
-Paradoxe apparent : le travail est survalorisé culturellement en France, mais c’est aussi en France où la souffrance au travail est la plus identifiée.
-Le débat oscille bien entendu entre réponse individuelle et collective, comme l’atteste votre action d’une part et votre invitation d’autre part (le fait que je sois invitée, le fait qu’existe un soutien - si modeste soit il - de la région en politique de la ville montre que cette question a aussi un aspect collectif ).

La souffrance au Travail est clairement devenue un enjeu de société.
Pour autant, je ne suis pas certaine qu’elle soit vraiment inscrite "sur l’agenda politique" : si des règlementations existent, elles sont encore timides, et ne concernent encore que les grosses entreprises européennes.

Si 22% des salariés européens souffrent de stress d’après le BIT, la situation est encore plus mal vécue par les Francais : selon l’OVAT, l’Observatoire de la vie au travail, 65 % des salariés se sentent très exposés au stress .

Cela vaut pour le privé comme public : le médiateur démissionnaire de POLE emploi Benoît Genuini rapportait il y a quelques mois la souffrance des salariés de Pôle Emploi : "on jongle avec les demandeurs, 300 entretiens /mois c’ est impossible, vous n’êtes pas du tout là pour aider les gens !
Et il résumait son propos : Pôle Emploi est une machine qui broit les demandeurs et les salariés.

On peut faire le lien d’ailleurs avec le rapport de J. paul Delevoye, médiateur de la république qui pointait au début de l’année 2010 l’état de dépression des Français.

- Jean frédéric Dreyfus, trésorier CFE CGC disait récemment aux ETATS GENERAUX DE L’EMPLOI ET L’ÉCOLOGIE " : un bon indicateur : comptez le nombre de pots de départ, y a n’en pas, parce que les conditions de travail en 20 ans se sont considérablement dégradées, les salariés sont pressés de partir.

Justement, le mouvement contre la reforme des retraites a un rapport avec les conditions de travail :
Une majorité de Français se montrent hostiles à cette réforme, parce qu’ils ne se voient pas supporter jusqu’à 62 ou 67 ans des conditions et des contraintes de travail que déjà, à 42 ou 52 ans, ils vivent souvent très mal et n’imaginent pas qu’ une fois la réforme votée, les entreprises deviendront subitement plus vertueuses à l’égard des salariés vieillissants, malades ou aux capacités diminuées par un handicap.

Culturellement survalorisé en France, le travail est aujourd’hui source de souffrance.
A ce constat, deux remarques :

1. Le travail s’est transformé : de la production d’objets concrets vers une activité immatérielle, avec une double conséquence :
Le travail à accaparé l’ensemble de la vie psychique. Et ce mouvement est accentué par la généralisation des TIC qui sont toujours et partout accessibles.
- la difficulté à identifier la finalité du travail, à montrer le résultat et son utilité pour soi-même et les autres.
En outre, la pression de la rentabilité tend à faire de chaque actif un individu en compétition .

Face à cette évolution, une première piste d’action serait d’agir dans le cadre du travail pour modifier les conditions de la production :
par exemple favoriser un rapport de proximité avec ce que l’on produit, avec ses clients et ses collègue pour voir un peu "le bout de ses actes" . - Favoriser des équipes stables où l’on accumule et l’on transmet de l’expérience.- laisser dans la mesure du possible le temps de bien faire les choses et d’en montrer le résultat.

Mais cela suppose des acteurs conscients, mobilisés, et la mise en place d’une véritable démocratie sociale.absente aujourd’hui, Qui elle même suppose une capacité à agir collectivement.

Or,est ce le cas ? Les travailleurs ont ils cette capacité à agir ensemble sur le stress au travail ? Et les employeurs sont ils vraiment désireux d’oeuvrer en ce sens ?
Non dans l’ensemble, et c’est ma deuxième remarque.
Parce que ni les uns ni les autres n’ont les moyens d’avoir pleinement conscience du problème.

le travail s’est transformé, mais nous n’avons guère conscience du problème, et nous sommes dans l’incapacité d’agir collectivement.

A cet égard les mots- les concepts - employés pour parler du pb du stress au travail sont éclairants :
Aujourd’hui on ne parle plus de conditions de travail,-ce qui illustre la fin d’un portage collectif de cette question- , on parle de "risque psychosocial" . Ce n’est pas neutre !

"risque psychosocial" ? Qu’est ce que ca peut signifier ?
Le psycho social serait un risque ?

C’est à dire un aléa, comme les risques naturels qui n’auraient rien à voir avec la responsabilité d’acteurs humains ?
(on parle d’épidémies de stress au travail ! )
La définition du stress au travail est celle ci : il y a stress au travail lorsque un salarie ne réussit pas à faire face aux exigences et aux attentes qu’on a envers lui !..
Yves Clot, professeur au CNAM, souligne que c’est la définition européenne retenue par les syndicats, c’est dire comme elle est intégrée dans nos représentations !.
Mais ajoute t - il " on pourrait aussi bien l’inverser : et dire "le stress au travail c’est une organisation qui ne reussit pas à faire face aux exigences et aux capacités d’agir des salariés". Cette définition est préférable.
Sauf qu’en réalité, personne n’a l’idée de retourner cette définition du stress !
Il y a donc un "non- dit", notre vision de la souffrance au travail risque d’être hémiplégique, et sans cause, sans responsabilité identifiable.
Elle est à la fois un objet de préoccupation, et un objet de déni, qui se cache derrière un pseudo consensus autour de la notion artificielle de"risque psycho-social". Comme si ce risque avait sa thérapie, qui serait l’adaptation de l’être humain à son environnement .

D’öu la necessité de redonner au salarié la capacité de resituer le travail et ses caractéristiques ou ses difficultés, dans un autre cadre ; dans un espace temps élargi, avec une causalité. de redonner au salarié l’état d’être humain, sensible à ses propres besoins et doté de capacités d’actions.
Redonner du pouvoir d’agir, c’est aussi redonner du collectif, là où il n’y a souvent que de l’individuel, de la compétition, et des conditions de travail qui fractionnent les compromis sociaux élaborés antérieurement.

Toucher l’individu pour recréer du collectif, c’est l’objectif paradoxal que se donnent de plus en plus d’acteurs publics, et ce n’est pas un hasard.

je pourrais citer quelques exemples soutenus par la région :
l’auto-rehabilitation accompagnée où un ménage ( personne seule ou famille) reçoit un appui pour embellir et restaurer son appartement mal entretenu, le tout sans jugement, , et ensuite donne un coup de main à un autre ménage. les résultats psychologiques sot très intéressants.
Ou l’ appels à projets que nous avons ensemble Région- et fondation de France "population fragiles, territoires fragilisés" où il s’agit d’impliquer fortement les beneficaires, et de travailler de façon, partenariales, entre institutions, associations etc. pour offrir des solutions sociales inventives.
Dans tous les cas, on retrouve la société dite civile mobilisée . pour recréer du lien social.
Ce n’est pas un hasard, car des individus en" mesestime "d’eux mêmes ne peuvent pas faire société. . . Ce qui n’est pas de notre intérêt.

Pourquoi en effet se préoccuper de la qualité de vie et de l’être humain ?
Parce que nous existons aussi et surtout avec les autres. ET de la même manière qu’on ne vit pas tout seul, on n’ a pas de valeur tout seul.

Tout être humain a une dignité. Si je reconnais la valeur de l’autre alors ensemble nous avons plus de valeur, nous sommes plus riches..

(En fait, même nous, élus ou acteurs des politiques publics, nous pouvons savoir ce que cela peut signifier, que de souffrir au travail : Lorsque les réformes fiscales et territoriales en cours nous ôtent les moyens d’agir, pour peu que nos partenaires ne nous facilitent pas la mise en place d’actions, nous pouvons avoir l’impression, - de subir des formes de maltraitante. Pour les mêmes raisons qui font que le travail est important en France : parce qu’il y du plaisir s’il y a du sens, de la fierté" s’il est bien fait, de la souffrance s’il nous met en conflit avec nos valeurs. Mais encore, avons nous la capacité de nous révolter , ce qui n’est pas
toujours le cas.

Pour conclure ?

Finalement l’’action publique peut être une forme de résilience. La sphère publique au sens large (car Il en est de même, je pense, pour d’autres acteurs :
-syndicats, professionnels du social, de la santé, du monde associatif etc. ) investit dans ce cas non pas tant la sphère privée, que l’humain.
Par ce qu’il apparait clairement qu’il faut réinvestir l’humain pour recréer de la capacité à agir collectivement et à coopérer, à restaurer le lien social, mis à mal .

Ce qu’en politique de la ville on appelle parfois "qualifier les acteurs" et qui nous vient de l’empowerment anglo-saxon, c’est simplement la volonté de développer une capacité à agir ; parce que sans l’action des autres humains nous ne sommes pas grand chose collectivement ;
Ce type d’investissement, d’orientation politique, n’est finalement rien d’autre que la reconnaissance pleine et entière de notre état d’être humains vivant en société et co-responsables de la société et du monde.

Je nous souhaite bon travail.

MO.N