Pourquoi nous n’aimons pas la Démocratie (M. Revault d’Allones)

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

"Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie" ? Interroge
Myriam Revault d’Allonnes. Livre de refléxion, documenté.


"Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie" :
Myriam Revault d’Allonnes interroge la relation fondamentalement ambiguë que nous entretenons avec la démocratie.

C’est une question particulièrement actuelle (que résume bien le titre de son ouvrage), à laquelle elle apporte un éclairage savant, ce qui signifie que l’ouvrage mérite que l’on s’accroche.
La relation difficile que nous avons avec la démocratie repose, nous dit - elle, sur un cumul d’incertitudes :

-La première énigme de la démocratie moderne est que "la société ne possède pas sa définition et reste aux prises avec son invention". Autrement dit, nous ne savons pas ce qu’est la société. Il existe aujourd’hui une dissolution des repères, même si nous savons (encore) que nous avons une conflictualité sociale, et notamment qu’il existe une tension entre liberté et égalité, illustrée par l’insécurité sociale.
-Ca n’est pas tout. Cette incertitude va de pair avec avec l’existence d’un être humain divisé, pluriel, en proie à de multiple tensions intérieures. Pire : si l’existence du "sujet" est problématique, celle du "pouvoir" ne l’est pas moins, pouvoir que MRDA définti comme "une relation instable et constamment rejouée".

- Enfin, dernière difficulté, le pouvoir est abstrait, il n’est pas incarné :*
Or, nous rappelle l’auteure, la société a toujours été profondémént habitée par la tentation de "faire corps" : La Nation, le Roi, la Famille ou la Patrie etc, en sont autant de témoignages". La société est "hantée par la fantasme totalitaire de la société sans division, transparente à elle - même et soumise au régime de l’un". "Il y a une forme d’identification amoureuse qui peut nous faire aimer le despote "
En sommes nous si loin ?
De l’abstraction de la rationalité bureaucratique (analysée par Weber) à la logique néolibérale aujourdhui, qui considère sommairement le sujet comme un" sujet entreprenarial", M.R.A. affirme que "ce qui est au coeur de l’existence démocratique moderne, c’est le processus de (...) de désincarnation ou de déliaison potentielle du pouvoir" (...). (*" Le pouvoir n’appartient à personne, "ceux qui l’exercent ne l’incarnent pas et en eux ne s’investit ni la loi de Dieu ni celle de la nature" ).

On l’aura compris : si Myriam Revault d’Allonnes interroge l’histoire (- notamment notre ancien amour des monarques-) et certains auteurs,
tels que Platon, Tocqueville, Lefort, Weber, Foucault, Anna Arhendt.., ce n’est pas pour nous proposer une théorie sociologique, ce n’est pas non plus uniquement pour s’armer de sa culture comme d’une caution d’objectivité ; c’est pour tenter de mieux comprendre et de nous faire partager la nature de l’expérience subjective que nous entretenons avec la démocratie. On est loin de la théorie politique. On s’approcherait plutôt de la psychologie, bien que ce champ reste à construire ( ce que j’appelle de mes voeux). Et le détour par l’histoire est aussi le moyen de nous amener doucement à nous poser les questions qui fâchent concernant "la servitude volontaire " au pouvoir incarné, à l’homme providentiel, si humain, si proche de nous pourtant ( et le 3 ème livre de Kessel, plus loin, nous le rappelle si necessaire).
MRDA n’occulte pas le collectif, notamment question d’un lieu où faire s’exprimer les conflits sociaux tels que l’inégalité"réelle et imaginaire", et la recherche d’un monde commun où les confronter et les mettre en oeuvre, mais elle porte l’accent sur une dimension plus personnelle ( soulignant que conflits d’individualités et d’identités obeissent à une logique de fragmentation).

La démocratie , figure des" promesses non tenues" ?.

Alors ? Entre résignation et radicalité, déception et croyance en un idéal non achevé (deux "positions systématiquement inversées sur le mode du constat du désenchantement"), que faire ?
Le pouvoir en tant qu’identification amoureuse impossible est forcément décevant( Sachant que cet amour est condamné : les espérances mêmes placées dans la figure du chef démocratique comme Barack Obama ne peuvent satisfaire à cette identification amoureuse, d’abord parce que "la société ne fait pas corps", ensuite parce qu’il a été élu "contre" Busch.
Donc, aujourd’hui, nous sommes en proie à une "forme de mélancolie". La "question du deuil et du travail du deuil est au coeur de la difficulté".
Nous sommes dans une période d’ambivalence, qui, pour l’auteure, vient de ce que la gauche nostalgique n’ aurait jamais aimé la démocratie libérale ; elle aurait certes axé son combat sur la défense (de droits) mais sous-estimé le socle de valeurs sur lesquelles repose la démocratie.
Sévère ! Juste ? A voir.
La question qu’elle pose est la suivante : devons nous faire le deuil de l’exigence démocratique ou de l’ Ethos qui la fonde ?
C’est une bonne question. Il nous reste L’ Ethos. A condition d’accepter la "problématique" de la démocratie.
Les écologistes, dont je suis, diraient "la complexité". C’est bien l’ éthique qui fonde le sujet politique. Et qui en fait un sujet libre.
Cessons d’attendre que la "démocratie nous délivre du mal ", nous dit finalement Myriam Revault d’Allonnes pour achever de nous convauncre. Elle a en partie raison.
Un point cependant , mais il me parait essentiel : il n’est pas donné facilement d’être libre. Il y faut un minimum de sécurité matérielle , d’autorisation à penser par soi même - ce qui suppose l’estime de soi- , et d’accès à la culture qui le rendent possible.
C’est justement cette forme de minimum requis que demandent aujourd’hui les gens sans travail ou sans revenu suffisant pour vivre ( proposition interessante à ce sujet du mensuel d’ Avril Alternatives économiques). Les droits sociaux en font partie (un droit du travail plein et entier pour tous peut induire cette forme de dignité)
Mais, à vrai dire, nous sommes aussi déjà dans l’éthique, le sens, et la politique telle que je l’aime.

MO.N