Pôle emploi : ça passe ou ça casse ? Social : la casse !

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

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( extrait du J.Le Monde 26 Avril 10. )
Benoît Génuini : "Pôle emploi laisse ses agents dans une relation difficile de face-à-face avec les chômeurs"

Dans votre rapport d’activité, vous relatez une soixantaine d’histoires vraies, celles de personnes qui ne comprennent pas pourquoi on leur refuse une allocation ou une formation et qui se débattent dans un système souvent bureaucratique. Quel diagnostic portez-vous sur le service public de l’emploi ?

Pôle emploi est une énorme machine à qui l’on demande de traiter de façon efficace et rapide une majorité de cas. Nécessité faisant loi, il fait du traitement de masse. Et, dans bien des cas, cela marche. On arrive à rentrer la plupart des demandeurs d’emploi dans les cases du règlement. Mais il y a aussi des personnes qui se trouvent dans des situations plus compliquées et qui auraient besoin d’un peu plus d’écoute. Et, dans ce cas, le système continue d’avancer tout seul, sans respect des situations humaines particulières.

Bien sûr, on peut m’opposer que je n’avais connaissance que de mille dossiers par mois. C’est vrai, mais j’étais bien placé pour savoir que Pôle emploi donne très peu d’explications, prend rarement la peine de justifier ses décisions, ce qui accroît le sentiment d’arbitraire, d’injustice, fréquent chez les chômeurs, et peut déclencher des réactions de colère.

Comment expliquez-vous cette situation ?

Pôle emploi ne dit pas assez à ses conseillers pourquoi ils sont là et quels sont leurs objectifs qualitatifs. Il leur demande de l’efficacité et de la rapidité, jamais de prendre un certain recul face à l’application très stricte du règlement ni de prendre le temps d’approfondir la situation particulière d’une personne. Les conseillers, qui abattent un travail considérable, n’ont aucune marge de manoeuvre et ils sont très frustrés de voir la qualité de service se dégrader.

Pôle emploi pourrait fonctionner mieux si son management s’ouvrait davantage à l’extérieur, au privé. Il a une conception assez technocratique de la productivité, il laisse les agents travailler un peu isolés, dans une relation difficile de face-à-face, et il ne sait pas promouvoir le travail en équipe. Tant que cela sera le cas, il lui sera difficile de mieux fonctionner. J’ai démissionné pour cette raison et parce que l’institution ne faisait pas, à mon avis, la place qu’il mérite au travail du médiateur.

Autrement dit, elle n’accordait pas assez d’importance à ce qui, par son intermédiaire, remontait du terrain, c’est-à-dire des chômeurs. Dans mon rapport, j’avais fait six propositions pour améliorer les choses, dont deux concernent directement la direction de Pôle emploi : l’une portait sur l’encadrement des conditions dans lesquelles on interrompt le versement de l’allocation-chômage, l’autre portait sur la qualité des courriers de Pôle emploi. Ni l’une ni l’autre n’ont reçu un début de réponse.

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Propos recueillis par Claire Guélaud