chômage, emplois, et statistiques..

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

- Emploi , pauvreté , inégalités : des chiffres en question.
- Indicateurs alternatifs

Chômage, emploi, inégalités, richesse.... et statistiques.

I. Emploi, pauvreté, inégalités : des chiffres en question
II. Des indicateurs économiques limités aux seuls échanges marchands ?
III. Indicateurs alternatifs
IV.Peut-on apprécier les "plus values sociales" ?

I. Emploi, precarité-pauvreté, et inégalités : une réalité difficile, sous-estimée

La France recense aujourd’hui un peu moins de 10% de chômeurs, soit un peu moins de 3 millions d’actifs demandeurs d’emplois.
Ces chiffres sont inquiétants : d’abord, parce que le chômage devrait "naturellement" commencer à baisser dans la mesure ou les ex "baby boomers" commencent a partir en masse à la retraite, sans être remplacés par un nombre équivalent de jeunes sur le marché du travail, or le chômage ne baisse presque pas (1).
Ensuite, parce que ces chiffres sont notoirement sous-évalués :

l’indicateur officiel du chômage recense aujourd’hui moins de la moitié (47 %) des personnes en sous-emploi ou au chômage . Il en recensait 61 % en 1996 et 75 % en 198.

Il faut rappeler qu’en 20 ans, le nombre de salariés précaires a presque quadruplé. Ils étaient 638 000 en 1983 à vivre de contrats a durée déterminée, a être apprentis ou à subir le temps partiel.
"Une nouvelle inégalité a fait son apparition, la précarité face au travail qui n’a jamais été aussi grande... Près de 20 % de la population active française est soit à la recherche d’un emploi, soit dans une situation professionnelle instable. Premiers touchés, les jeunes, les non-diplômés et les femmes". Ce constat n’émane pas d’un syndicaliste, mais du journal Le Point, qui réalise un dossier spécial sur le BIP 40 (voir plus loin).

(1) Vertus du Papy boom
En 2005, pour la première fois depuis 40 ans, le flux des nouveaux entrants du marché ne sera pas supérieur a celui des sortants (alternatives économiques de Septembre 05).

Inégalités sous-estimées.
L’ampleur de la fracture sociale est fortement minimisée par les statistiques officielles de la pauvreté. Ainsi de 1984 a 2000, selon l’Insee, le taux de pauvreté relative serait passe de 7,1% à 6,5% (Insee Première numéro 942, décembre 2003). Des chiffres que contestent trois économistes, Pierre Concialdi, Jean Gadrey, Michel Maricet, et une sociologue, Catherine Levy, dans un article intitulé Cohésion sociale : des politiques à l’aveuglette : "En négligeant les " faux pauvres " (les étudiants) et en ignorant les vrais riches (ceux qui perçoivent des revenus du patrimoine), l’Insee minimise grossièrement l’ampleur mais aussi l’évolution de la pauvreté. Si l’on tenait compte des éléments précédents, le taux de pauvreté serait plus proche de 10% que du chiffre de 6% avancé par l’INSEE."

Et les Riches ?
"Si les chiffres ne manquent pas sur les plus démunis, ils sont étrangement rares ou extrêmement bien protégés concernant les Français les plus privilégiés. Les classements des plus grandes fortunes publiés chaque année dans les magazines ne prennent en compte que la richesse professionnelle, celle-ci ne représentant qu’une partie de la fortune réelle. Il n’existe que peu de travaux officiels sur le patrimoine privé" (Source Le point).

La question des inégalités demeure particulièrement tabou en France.

Pourtant, les Français sont de moins en moins dupes : une écrasante majorité des Français ont le sentiment que les choses se sont aggravées.
Selon un sondage ils sont 81% a estimer que la situation s’est dégradée.

Alors que ces vingt dernières années, la nation a produit 60 % de richesse en plus, que le nombre des Français propriétaires a augmenté jusqu’à devenir majoritaire, les écarts entre les plus riches et les plus démunis se sont creusés considérablement.
(Entre 1970 et 1977, les inégalités ont baissé, mais à partir de 1978 elles sont reparties a la hausse).

II. Des indicateurs économiques restreint aux échanges marchands ?
Le PIB ou l’IDH ?

Le PIB mesure la richesse créée une année donnée. C’est la somme des valeurs ajoutées (ce qui a été produit) moins les achats de biens et services.
Mais il ne mesure que les échanges monétaires. Or, dans le monde, l’essentiel de l’économie reste non monétaire : on ne le mesure pas, mais tout ce qui sert à produire la vie notamment, c’est-à-dire ce qui "compte" le plus en réalité, est le fruit d’un travail essentiellement bénévole, domestique, ou d’échanges (troc).

III. Indicateurs alternatifs

C’est pourquoi il existe beaucoup d’initiatives visant à évaluer la richesse ou le "progrès" sur la base d’indicateurs "alternatifs". Ces indicateurs remettent en question la domination politique et médiatique du PIB et de la croissance économique dans la mesure de la "richesse des nations". Ces initiatives nouvelles sont portées par des exigences de deux types, qui souvent se rejoignent : des exigences "sociales" d’une part, des exigences environnementales de l’autre.

Bip 40
Pour que la question des inégalités et de la pauvreté prenne enfin la place qui lui revient dans le débat public, le Réseau d’alerte sur les inégalités a mis au point le Bip 40, un baromètre construit sur plus de 60 séries statistiques concernant les différents champs concernés par les inégalités et la pauvreté : travail, revenus, logement, éducation, santé, justice....
http://www.bip40.org/
La méthodologie retenue pour procéder à cette agrégation s’inspire des travaux réalisés sur cette question, par exemple pour la confection de l’IDH (Indice du développement humain du PNUD) ou d’indicateurs analogues -

les indicateurs synthétiques du PNUD
Le PNUD
publie depuis 1990 un "rapport annuel sur le développement humain dans le monde", où figure le célèbre et pourtant rudimentaire IDH. Cet indicateur est tout simplement la moyenne de trois indicateurs permettant chacun de classer les pays sur une échelle de 0 a 1 : le PIB par habitant, exprime en parités de pouvoir d’achat, l’espérance de vie à la naissance, et le niveau d’instruction (mesuré par un indicateur alliant pour deux tiers le taux d’alphabétisation des adultes et pour un tiers le taux de scolarisation). Le PNUD a, par la suite, publié annuellement d’autres indicateurs synthétiques, dont l’IPF, Indicateur de Participation des Femmes à la vie économique et politique, et l’IPH, Indicateur de Pauvreté Humaine. Pour les pays développés, ce dernier tient compte de quatre critères auxquels il accorde le même poids : probabilité de décéder avant 60 ans, illettrisme, % de personnes en deçà du seuil de pauvreté, % de chômeurs de longue durée. La France ne figure pas dans le classement de l’IPF, faute de données. En un sens, cela vaut mieux, car elle serait très mal classée, et c’est probablement l’une des raisons de l’absence de données...

Richesse du lien social et economie
On ne sait pas vraiment mesurer la richesse du lien social.
Il existe pourtant une "plus value sociale", difficile à chiffrer, qui a trait au relationnel et au vivre ensemble, à la mobilisation des ressources de proximité, au sens que l’on donne à ses activités, à la capacité à se mettre en mouvement autour de micro projets ...., qui crée une valeur "en plus".
Il existe aussi une plus value liée au sens que peuvent revêtir profondément nos activités (distinct de la compétition économique libérale ou la croissance marchande, qui posent des problèmes sociaux et environnementaux). Mais cela est au sens propre, "inappreciable".
De la même manière, le développement social local n’est pas le développement marchand, quoiqu’il puisse parfois l’inclure : c’est un développement qui le dépasse. Fondé sur la volonté de faire fructifier les compétences locales, il dépasse largement la simple rentabilité économique et les échanges marchands pour intégrer des valeurs telles que la sociabilité, le plaisir d’échanger, l’apprentissage de nouvelle responsabilités et de nouvelles compétences. L’engagement social, citoyen ou politique, culturel... procure autant d’enrichissements sociaux, à la fois personnels et collectifs.

N’oublions pas, non plus, que l’économie est plurielle :
il existe une économie d’entreprise et de marche, une économie publique, mais aussi une économie domestique et informelle. Cette économie, faite de réciprocité, va bien au-delà de sa valeur marchande. Elle crée une valeur en plus, liée a sa fonction d’échange social.

Evaluer cette économie-là constitue cependant un enjeu dans une société éprise de rationalité apparente et de chiffres.

Il existe des pistes :
Par exemple, la région Rhône-Alpes,
dans le cadre de son action d’économie sociale et solidaire et da la politique de la ville, lance un appel à projet sur l’évaluation de l’utilité sociale.

Par ailleurs, des recherches commencent à être menées dans le cadre de management, sur les conséquences financières des coûts sociaux cachés, qui s’avèrent non négligeables. L’école de Management d’Ecully y consacre régulièrement des séminaires et des publications.

L’étape ultérieure est de parvenir à mettre en valeur les richesses produites qu’on ne voit pas, mais dont l’absence aurait un coût reel.