Climat : la bombe à retardement est enclenchée

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Climat : la bombe à retardement du méthane est enclenchée

Climat : la bombe à retardement du méthane est enclenchée

Par Steve Connor, The Independent, 23 septembre 2008

Les scientifiques ont découvert la preuve que les fonds marins de
l’Arctique commencent à libérer dans l’atmosphère des millions de
tonnes de méthane, un gaz à effet de serre 20 fois plus puissant que
le dioxyde de carbone. Les chercheurs ont pu observer le
bouillonnement provoqué par le gaz à la surface de la mer.
The Independent a pris connaissance d’une partie des premiers
résultats obtenus, qui suggèrent que le gaz méthane contenu dans
d’énormes gisements sous-marins en Arctique s’échappe vers la surface
en raison du réchauffement et de la disparition des glaces.
Le comportement de ces réserves souterraines de méthane revêt une
importance majeure car les scientifiques pensent que leur libération
subite dans l’atmosphère a provoqué par le passé une augmentation
rapide de la température terrestre, entraînant des bouleversements du
climat et même une extinction massive d’espèces. Les scientifiques
embarqués à bord d’un bateau scientifique qui a navigué sur toutes les
côtes nord de la Russie ont découvert des concentrations intenses de
méthane - allant parfois jusqu’à 100 fois les niveaux habituels - sur
plusieurs zones, couvrant des milliers de kilomètres carrés sur le
plateau continental sibérien.
Durant ces derniers jours, les chercheurs ont observé des zones où la
mer bouillonnait sous l’effet des bulles de gaz remontant des "
cheminées de méthane " émergeant dans les fonds marins. Ils estiment
que la couche de pergélisol sous-marin qui agissait comme un "
couvercle ", empêchant le gaz d’être libéré, a fondu par endroits et
permet au méthane de s’échapper des dépôts qui s’étaient formés avant
le dernier âge glaciaire.
Les chercheurs mettent garde sur le fait que ce phénomène pourrait
être lié au réchauffement rapide qu’a connu la région au cours des
dernières années.
Le méthane est un gaz dont l’effet de serre est environ 20 fois plus
puissant que le dioxyde de carbone et de nombreux scientifiques
craignent que sa libération pourrait accélérer le réchauffement de la
planète par le biais d’un gigantesque processus de rétroaction dans
lequel le méthane répandu dans l’atmosphère provoquerait une élévation
des températures, ce qui aggraverait la fonte du pergélisol et
libérerait encore plus de gaz.
On estime que la quantité de méthane piégée sous l’Arctique est
supérieure à la quantité totale de carbone contenue dans des réserves
mondiales de charbon. Il est donc de toute première importance que ces
réservoirs restent stables au moment où cette région se réchauffe à un
rythme plus rapide que d’autres parties de la terre.
Orjan Gustafsson, l’un des responsables de l’expédition, décrit
l’ampleur des émissions de méthane observées dans un émail envoyé
depuis le navire scientifique russe Smirnitskyi Jacob.
" Nous avons travaillé fiévreusement pour terminer le programme de
prélèvement d’échantillons hier et la nuit dernière ", écrit le Dr
Gustafsson. " Une vaste zone d’intense libération de méthane a été
découverte. Sur les précédents sites nous avions observé de fortes
concentrations de méthane dissous. Hier, pour la première fois, nous
avons observé une zone où la libération est si intense que le méthane
n’a pas eu le temps de se dissoudre dans l’eau de mer, mais arrive
sous forme de bulles de méthane à la surface. Ces " cheminées de
méthane " ont été observées sur échosondeur et avec les [instruments]
sismiques. "
À certains endroits, les concentrations de méthane atteignaient 100
fois les niveaux habituels. Ces anomalies ont été constatées dans la
mer de Sibérie orientale et la mer de Laptev. Elles portent sur
plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés, et totalisent des
millions de tonnes de méthane, a déclaré le Dr Gustafsson. " Cela
pourrait être du même ordre de grandeur que ce que l’on estime
actuellement pour l’ensemble des océans. " indique-t-il. " Personne ne
sait combien d’autres zones existent sur le grand plateau continental
de la Sibérie orientale.