Comment la crise est née

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Comment la crise est née
Extrait de l’article « La mécanique de la crise », Alternatives Economiques , n°261, septembre 2007

Comment la crise est née

Extrait de l’article « La mécanique de la crise », Alternatives Economiques , n°261, septembre 2007 ?

Sandra Moatti

Crédit trop facile, titrisation, fonds spéculatifs, aveuglement des agences de notation... Les causes d’un désastre.


L’histoire commence sur le marché américain des prêts immobiliers dits "subprime". Ce sont des crédits accordés aux ménages présentant de trop faibles garanties pour accéder aux emprunts normaux dits "prime", soit parce qu’ils ont déjà eu des difficultés financières par le passé, soit que la faiblesse de leurs revenus limite par trop leur capacité de remboursement. Ce type de crédit s’est fortement développé aux Etats-Unis, surtout à partir de 2004-2005. En 2006, il représentait 40 % des nouveaux crédits hypothécaires . Les ménages qui en avaient les moyens avaient, eux, déjà abondamment profité de la longue période de taux d’intérêt bas pour acheter ou pour s’agrandir. Résultat : au moment où les taux d’intérêt ont commencé à remonter, c’est donc une clientèle moins solvable qui va être courtisée par le business du crédit immobilier pour continuer de faire des affaires.


Et tous les moyens sont bons pour la séduire : des formules de prêt de plus en plus exotiques se développent. Toutes ont en commun de prévoir des remboursements faibles dans les premières années, suivis au cours des années ultérieures d’un alourdissement parfois considérable de la charge de la dette.


Comment des établissements de crédit ont-ils pu prêter à des ménages aussi fragiles dans des conditions aussi hasardeuses ? La réponse réside dans un système qui allie l’absence de règles protectrices pour les emprunteurs à une extrême sophistication du traitement du risque du côté des prêteurs. Sur le moment, tout le monde y trouvait son compte : les ménages emprunteurs, souvent inconscients des conditions réelles de remboursement de leur prêt, trouvaient là l’occasion d’accéder à la sacro-sainte propriété ; les courtiers empochaient leurs commissions sur les contrats commercialisés ; les établissements financiers pouvaient sortir ces créances quelque peu douteuses de leur bilan en les transformant en titres vendus sur les marchés financiers, les Mortgage Backed Securities (MBS), c’est ce qu’on appelle la "titrisation" des créances ; enfin, les investisseurs achetaient ces titres offrant une très confortable rémunération. En effet, pour compenser la mauvaise qualité des créances sur lesquelles ils étaient adossés, ces titres offraient des taux d’intérêt nettement supérieurs au standard du marché.


Mais dès la fin de l’année 2006, il est apparu qu’un nombre croissant de ménages ne pouvait faire face à leurs remboursements. Les taux de défaut sur les prêts subprime commencèrent à augmenter dans des proportions inquiétantes. Après les ménages, forcés de vendre leur maison sur un marché immobilier désormais complètement déprimé, ce fut au tour des établissements spécialisés qui leur avaient prêté d’être touchés. Les premières faillites de prêteurs firent la une de l’actualité américaine au premier trimestre de cette année.


En quelques mois, une vingtaine d’établissements ont dû ainsi mettre la clé sous la porte. Mais ils n’étaient heureusement pas de taille à déstabiliser les grandes banques. Après tout, le total des prêts subprime ne représentait que 13 % du total des prêts hypothécaires. Les déboires des emprunteurs semblaient pouvoir être absorbés sans trop de remous. D’autant que le risque de défaut sur les titres émis par ces établissements de crédits était distribué entre une multitude d’investisseurs. C’est l’avantage des opérations de titrisation : tout le monde détient un peu de risque, mais aucun grand établissement n’en porte suffisamment pour flancher. La suite des événements a cependant montré que cette large répartition des risques peut aussi conduire à aggraver la panique quand le marché ne sait plus les situer ni les quantifier.