OGM, projet Loi à l’encontre du Grenelle (Avril 08 )

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

Interview de D. Jouve, Vice Président (Verts) de la Région Rhône Alpes chargé de l’ Aménagement du territoire et du développement Durable et Président de la commission développement durable des régions de France :
"OGM : un projet de loi à l’encontre des décisions du Grenelle"

OGM : un projet de loi à l’encontre des décisions du Grenelle

interview paru dans localtis infos


Didier Jouve : "Le projet de loi va à l’encontre des décisions du
Grenelle"

publié le 10 avril 2008

Pour Didier Jouve, vice-président de la région Rhône-Alpes et président
de la commission développement durable de l’Association des régions de
France (ARF), le projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés
(OGM), adopté le 9 avril en première lecture à l’Assemblée nationale,
remet en cause les propositions du Grenelle de l’environnement.

Localtis.info : Comment percevez-vous l’orientation prise par ce texte
transposant une directive européenne de 2001 et dont l’adoption figurait
au rang des engagements du Grenelle de l’environnement ?



Didier Jouve : Depuis son passage au Sénat début février, son
orientation a été substantiellement modifiée et ce texte s’est
progressivement dénaturé sur des points si nombreux qu’on a beau prendre
tel ou tel amendement, on constate qu’ils vont toujours dans le même
sens. Un sens nettement favorable aux cultures d’OGM et à leur moindre
contrôle par une haute autorité transformée par le Sénat en Haut Conseil
des biotechnologies, censé évaluer les risques pour l’environnement et
la santé publique de tout nouvel OGM. Et une orientation prise par un
tel biais que seule la responsabilité de l’exploitant est engagée - et
non celle des producteurs, distributeurs et de l’ensemble de la filière
- en cas de dissémination accidentelle d’OGM entre parcelles. Au niveau
local d’ailleurs, on prétend pouvoir faire coexister des cultures avec
ou sans OGM et organiser des périmètres en fonction, alors que tout le
monde sait que dans les faits, cela est impossible à mettre en oeuvre.


L’adoption de l’amendement d’André Chassaigne visant à protéger "les
zones de production de qualité sans OGM" (filières de production AOC et
biologique) et à préserver les territoires des parcs naturels ne
constitue-t-il pas un signe positif, en adéquation avec l’esprit du
Grenelle ?



Si, c’est même le seul signe positif. Mais même sur ce point, le
gouvernement a prévenu qu’il fera sauter cet amendement pour le réduire
au minimum, soit à l’exclusion des cultures d’OGM dans les seuls parcs
naturels nationaux et régionaux. Il faut bien comprendre qu’on est en
présence d’un projet de loi dont l’adoption ne va pas simplement à
l’encontre des décisions du Grenelle mais qui tue purement et simplement
le processus que celui-ci a patiemment élaboré en rassemblant des
milliers d’acteurs autour d’un grand débat. On ne peut pas accepter que
tant de gens se soient mobilisés et aient formulé à l’issue du Grenelle
des propositions pour les voir aussitôt battues en brèche par le groupe
majoritaire à l’Assemblée. Au Grenelle, il était frappant d’observer
qu’une majorité de participants était contre l’extension des cultures
d’OGM. Où en est-on aujourd’hui ? Tous ceux qui se sont investis
l’ont-ils fait pour rien ? Sur tous les autres chantiers pour lesquels
le collège des collectivités et moi-même, en tant que représentant de
l’ARF, avons notre mot à dire au sein des comités opérationnels (comop),
en sera-t-il de même que pour les OGM ? Participe-t-on à une vaste
supercherie, un semblant de débat, à un exercice de communication
brassant du vide ? Si on constate que c’est le cas - et nos craintes
vont croissant vu le passage de ce projet de loi -, l’ARF se retirera
des comop qui prolongent les travaux du Grenelle.


La divergence de points de vue s’accentue avec, d’un côté, ce projet de
loi prévoyant au départ de consacrer la "liberté de consommer et de
produire sans OGM" puis évoluant en faveur d’un "avec ou sans OGM" et,
de l’autre, les quinze régions françaises membres du "réseau des régions
européennes libres d’OGM" positionnées contre ces cultures. A quoi mène
un tel grand écart sur le terrain ?



Sur le terrain, notez que là où l’on progresse le mieux en termes de
dynamisme agricole et de protection de l’environnement, c’est lorsque
s’engagent des politiques de développement local permettant aux
territoires de faire revivre des filières de production et de tirer
celles-ci vers la qualité. Or le mécanisme faisant passer de force les
cultures d’OGM coupe court à ces politiques que mettent durement en
oeuvre les élus. Les régions libres d’OGM vont donc continuer à défendre
leurs positions même si, en matière d’autorisation de mise en culture,
elles n’ont aucun pouvoir réglementaire.


Le droit à la transparence est prôné dans ce projet de loi. A leur
niveau, les collectivités se doivent par ailleurs d’informer leurs
habitants et d’animer la concertation au niveau local.
Auront-elles selon vous les moyens de porter cet effort de transparence ?



Non. Et pour ne citer qu’un exemple, en 2007, les 20.000 hectares de
cultures d’OGM autorisés l’ont été en toute opacité. Seuls les préfets
ont validé les autorisations, les maires n’étant pas mis au courant des
parcelles concernées sur leurs territoires. Sur le registre national
localisant les parcelles, les communes n’étaient pas citées, ces
parcelles étant jusqu’alors connues au seul niveau cantonal. C’est dire
si l’on est face à un dispositif avançant masqué, dans une forme de
secret qui semble irréversible. Cela va à l’encontre de toute
gouvernance territoriale ouverte à la concertation et cohérente avec
l’esprit du Grenelle. Si les positions de certains face à ce projet de
loi sont donc sévères, il faut les comprendre : c’est justifié par le
fait que celui-ci bat en brèche les progrès et principes chers à la
démocratie locale.



Propos recueillis par Morgan Boëdec / Victoires éditions


Récapitulatif des principaux articles et amendements adoptés par
les députés

1- Coexistence des cultures

Suite à l’amendement du rapporteur UMP Antoine Herth, la mise en culture
et la récolte sont soumises à des "conditions relatives aux distances
(pour éviter toute contamination) et fixées par nature de culture" (par
le ministère de l’Agriculture). Ces conditions techniques "définissent
les périmètres au sein desquels ne sont pas pratiquées de cultures
d’OGM" et "doivent permettre que la présence accidentelle d’OGM dans
d’autres productions soit inférieure au seuil" d’étiquetage fixé à 0,9%
par la réglementation communautaire.

2- Délit de fauchage

Inventée lors du passage du texte au Sénat, cette nouvelle typologie de
délit a soulevé nombre d’oppositions mais est passée à l’Assemblée.
Toute atteinte à une parcelle OGM autorisée sera punie de deux ans de
prison et de 75.000 euros d’amende.

3 - Responsabilité de l’exploitant final

En cas de dissémination accidentelle, l’agriculteur choisissant de
cultiver des OGM est responsable du préjudice économique.

4 - Evaluation des risques
Composé d’un comité scientifique, le Haut Conseil des biotechnologies
aura pour mission d’éclairer le gouvernement et d’évaluer les risques
pour la santé publique.

5 - Préservation de territoires

Suite à l’amendement 252 d’André Chassaigne (PCF), et comme l’autorise
le règlement européen (même s’il interdit d’aller plus loin et d’exclure
par exemple des régions entières), des zones de productions de qualité
sans OGM seront préservées de toute culture d’OGM. En effet,
l’amendement exige des agriculteurs décidant de planter des OGM qu’ils
tiennent compte des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des
filières de production et commerciales qualifiées (AOC). Si le président
du groupe UMP à l’Assemblée, Jean-François Copé, a promis de le faire
supprimer, le ministre de l’Ecologie, Jean-Louis Borloo, a quant à lui
assuré qu’il ne fera pas l’objet d’un réexamen. Comme l’avait par
ailleurs défendu Yves Vandewalle, député des Yvelines et président du
parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse, les parcs
naturels régionaux et parcs nationaux sont reconnus comme des
territoires excluant la culture d’OGM. 

6- Information et transparence

L’amendement 86 de la directive européenne prévoyait un dispositif
d’information du public. Voté à l’Assemblée, il prévoit d’informer et de
consulter le public en amont des autorisations d’essais d’OGM et de
motiver des réunions publiques autour des maires et des autorités
adiministratives. Les doutes persistent sur le terrain quant à son
application. Enfin, un registre national public sera mis en ligne sur
Internet pour localiser les cultures OGM par parcelle et non plus par
canton.

M.B.