Charte de l’environnement, 1 an apres

, par  Marie-Odile NOVELLI , popularité : 0%

ENVIRONNEMENT : l’engagement du gouvernement Chirac- Sarkozy est resté un effet d’annonce

La charte de l’environnement, 1 an après : Beaucoup de principes - peu de précautions

Par Yann Wehrling, porte parole des Verts, le 1 mars 2006

La seule chose dont peuvent se vanter le gouvernement et ses porte-parole, en termes de mesures en faveur de l’environnement, est l’adoption, il y a un an de cela, de la Charte de l’environnement. Ils ne s’en privent d’ailleurs pas : quand on ne peut pas agir, on communique. Cette Charte était un pas dans la bonne direction. Bien des députés UMP, quelques semaines avant son adoption, en avaient bien compris la portée et s’étaient donc employés avec force lobbying à en retirer toute la substance. Ils ont presque réussi. Mais il en est resté une part suffisamment importante pour que les Verts apportent leur soutien à cette seule et unique mesure environnementale prise en 4 ans de pouvoir de l’actuelle majorité.

Un an après son adoption, c’est à se demander si l’UMP, le gouvernement, et le Président ont bien lu cette Charte. Car on doit malheureusement constater, au vu des actes et loin des discours, que l’action environnementale du gouvernement Villepin est la stricte application du « principe de non-précaution » et celui du« pollué-payeur » !

Ce gouvernement s’acharne à imposer les OGM aux Français qui sont 80% à les refuser. Alors que d’autres pays ont su imposer le refus des OGM, nous n’avons toujours pas, après plusieurs années, transposé la directive européenne sur la co-existence entre cultures OGM et non OGM. L’Autriche a estimé que cette co-existence était impossible et qu’elle préférait privilégier la protection de son agriculture traditionnelle à celle d’une agriculture standardisée, environnementalement et sanitairement plus qu’imprudente.

Pendant ce temps, ceux qui tentent de défendre le principe de précaution et mènent des opérations en arrachant des OGM sont très lourdement sanctionnés par la justice, à l’instigation explicite des pouvoirs publics et du gouvernement. Heureusement, dans deux procès, le principe de précaution de la Charte a été mis en avant, et les tribunaux d’Orléans et de Versailles ont donné raison aux faucheurs ! Pire, l’été dernier, c’est la France qui fait obstacle auprès de la Commission européenne à la communication des secrets industriels pour les études sur l’impact sanitaire des OGM. Est-ce l’application du principe de précaution ?

Dans un autre domaine, la France connaît depuis 3 ans une sécheresse grave. L’eau manque et l’anticipation du gouvernement est nulle, sauf en matière d’agitation médiatique. Alors que les prévisions climatiques confirment une hausse tendancielle des températures et que le manque d’eau sera désormais chronique, le gouvernement gère le problème par à-coups, redécouvrant la sécheresse tous les ans un peu comme des habitants de Quimper qui redécouvriraient tous les matins qu’ils ne vivent pas à la montagne ! La vérité c’est qu’aucune précaution n’est prise pour limiter ou arrêter les plus gros usages de l’eau, à commencer par l’irrigation du maïs. Interdire celle-ci, aider les cultures moins consommatrices en eau, seraient pourtant des mesures évidentes pour protéger une ressource vitale. Mais ce gouvernement préfère protéger ses intérêts électoraux à court terme, en appeler, comme dans tous les domaines, à la responsabilité des particuliers plutôt que d’assumer les siennes. Et, devant les caméras, annonce des mesures de restriction au maïs, pour en indemniser les producteurs trois semaines plus tard.

Qui plus est, la future loi sur l’eau pérennise le principe du « pollué-payeur » puisque le consommateur continuera de payer 84 % de l’eau alors qu’il en consomme 20% et les agriculteurs en paieront 4% alors que ce secteur est globalement responsable de plus de la moitié des pollutions. Beaucoup d’agriculteurs eux-mêmes en ont assez de cette situation et demandent qu’on les aide à réorienter leur production vers des pratiques environnementalement responsables : par exemple, la France est à la traîne de l’Europe en matière d’agriculture bio, alors que les consommateurs en sont de plus en plus demandeurs.

Non-précaution encore, quand, dans le dossier européen sur les produits chimiques, Reach, le gouvernement français a demandé et obtenu que 2/3 des 30.000 substances chimiques envisagées soient écartées d’un contrôle efficace et fiable. Notre pays est couvert d’usines à risques. Notre système de santé au travail n’est toujours pas en état de faire face aux maladies consécutives à l’exposition des salariés à nombre de ces produits que le gouvernement vient de mettre à l’abri de tout contrôle public.

Non-précaution encore quand, dans la calamiteuse affaire du Clémenceau , l’Etat français n’a pas hésité à expédier dans des conditions qu’il conviendra d’éclaircir, des déchets dangereux avec un mépris total pour l’environnement et la santé des ouvriers indiens.

Comment s’étonner d’un tel décalage, quand on sait quel est le prix réel que cette majorité porte à l’environnement. 50% de budget en moins pour l’ADEME depuis 2003. Un budget du Ministère de l’écologie réduit de 3,6% cette année qui traduit ce que ce ministère est en fait depuis le début de cette mandature à savoir un secrétariat d’Etat à la préoccupation environnementale dont la fonction est de manifester l’empathie des pouvoirs publics avec les anxiétés justifiées de la population, pendant que les autres ministères jouent sans vergogne le jeu de tous les lobbies pollueurs.

Enfin, après cette année 2005 qui a démontré la pertinence du combat des écologistes en matière de préservation des ressources naturelles et énergétiques nous avons un gouvernement qui, fin 2005, défend opiniâtrement le protocole de Kyoto à Montréal(c’est bien), mais qui, dans le même temps, envoie ses ministres inaugurer l’autoroute A28 en Sarthe et se garde bien d’aborder la question cruciale d’une véritable politique nationale de lutte contre le principal facteur d’accroissement de l’effet de serre, à savoir le transport routier.

Quant à la solution, qu’on nous vend comme miraculeuse, le nucléaire, on essaie d’en enterrer le vrai débat en profondeur, en même temps que les déchets dont, pourtant, 89% des Français ne veulent pas chez eux. À quand une véritable consultation, une information publique, souhaitée par la majorité des gens, sur les dangers et les coûts réels à long terme de cette énergie dont les industriels essaient de nous vendre de nouvelles générations alors que les anciennes arrivent à l’âge du démantèlement ? Là aussi, zéro principe de précaution !

En conclusion, Monsieur le Président, le texte de cette charte, aujourd’hui lettre morte, sera-t-il votre seul et unique bilan en matière d’environnement ? Et, en cette veille d’enjeux électoraux nationaux, vos amis et vous-mêmes, allez-vous l’utiliser comme l’arbre vertueux qui cacherait une bien vilaine forêt de mesures qui vont à l’inverse des principes qu’elle énonce ?

Yann Wehrling